Un pas après l’autre. Ce n’était pourtant pas bien compliqué, tu le faisais tous les jours sans difficultés, du moins quand tu ne te prenais pas les pieds dans un tapis ou dans la lanière d’un sac sur ton passage mais ce soir, tu avais toute la peine du monde à marcher droit. Tu te concentrais pourtant à poser un pied pile devant l’autre tout en suivant avec application les lignes blanches peintes sur la chaussée qui longait le vieux port. Ce n’était pas aussi facile qu’on aurait pu le penser ! Les bras levés pour t’équilibrer, tu vacillais un peu à gauche, un peu à droit, un sourire ravi sur les lèvres. Il t’en fallait peu pour t’amuser et tu aimais vivre dangereusement, t’imposant des défis pour te prouver à toi-même que tu n’étais pas aussi cruche que ça.
Vêtue d’une jolie petite robe turquoise et d’un manteau noir qui te glissait un peu sur les épaules, tu tenais tes talons dans l’une des mains, te souciant peu de la fraîcheur du sol et de la morsure de la nuit sur tes jambes nues. Pas plus que tu ne sentais la brise maritime qui venait s’écraser sur ta peau dorée, dérangeant ton chignon et s’infiltrant jusqu’au creux de tes reins. Non, rien n’aurait pu te perturber, rien n’aurait pu te faire perdre ton adorable sourire de gamine alors que tu traînais au beau milieu de la route en approche des quais, trop ivre pour te rendre compte de ce que tu faisais.
Le danger ? Mais quel danger ? La soirée avait été tout simplement parfaite et il était désormais l’heure de rentrer te fourrer sous les draps mais si tes amies t’avaient laissées pour rentre chez elles, toi tu n’avais aucune envie de te coucher alors tu retardais ce moment, savourant cette nuit merveilleuse jusqu’à sa dernière minute.

« Fait chier »
Il pose ses yeux sur la planche brisée, et izzy soupire avec frustration. C’est la seconde en trois mois qui finis comme ça. Les planches ont de plus en plus de mal à résister à ses chutes continuelle,  et finissent invariablement leurs vie au fond d’une poubelle de quartier.
Izzy abandonne le cadavre dans la grande beine sans un regard de plus, il balance son poing un peu trop fort contre le réverbère qui résonne en tremblant sous le choc. Ses phalanges à lui résonnent aussi, mais plus douloureusement.
Idiot.
Izzy avance d’un pas rageur sur le trottoir sombre qui le mène jusqu’aux quais du port.
Izzy n’a pas l’habitude de se rendre sur le port, ça sent le poisson et on y trouve toujours au moins un abrutis prêt à en découdre, ou alors un chien hargnieu, parfois un marin trop saoul qui sent la pisse et le vomit. Non Izzy n’aime pas vraiment le port, mais cette nuit il suit la les graviers qui dépassent du botume usé sans vraiment y preter attention.
Il a besoin de penser Iz, de penser à toutes ces choses absurdes qui s’enchainent depuis son retour à vancouver. Drole de ville vancouver. Toujours prete à vous énfoncer.
C’est là qu’il la remarque, la blonde au bord de l’eau avec ses pas qui tanguent comme les bateaux.
Putain fait chier.
« Eh toi, eh blondie ! eh faut pas rester là c’est pas une bonne idée ! »
Izzy il finit toujours par se faire embarquer dans des histoires dont il n’a pas envie. Comme une jolie blonde trop alcoolisées sur les quais glacés d’un port odorant.
Il s’avance alors un peu trop vite dans sa direction, le gentil garçon.

Tu n’as pas vraiment conscience du danger, normal avec deux grammes dans chaque œil certes mais le problème avec toi, c’est que tu n’étais pas plus prudente lorsque tu étais sobre. A croire qu’un truc ne tournait pas rond dans ton tourne-disque. Tu ne le faisais pourtant pas exprès, tes idées semblaient simplement parfaites dans ton esprit, ce n’était qu’une fois transposées à la réalité que cette dernière venait te savater par derrière. Une chance que tu aies des dizaines d’anges gardiens pour veiller sur toi chaque jours, des inconnus qui te rattrapaient par le col quand tu trébuchais, des vendeuses sympa qui te courraient après quand tu partais sans tes courses, des mecs qui venaient te récupérer quand tu jouais à la funambule sur les lignes de la chaussée.
Tu n’avais pas tout de suite réalisé qu’il s’adressait à toi, l’homme qui avançait à grands pas vers toi même si après tout, cela te parut logique : il n’y avait que vous deux. Et puis il t’avait appelé Blondie aussi, ce surnom te collait à la peau et de toute évidence, il ne faisait pas seulement référence à tes cheveux clairs.
A son approche, tu lui offris ton plus beau sourire, inconsciente de ta conduite à risque, juste heureuse d’avoir une soudaine compagnie pour quelques instants. Tu avais horreur d’être seule avec cet homme surgi de la nuit sonnait à tes yeux comme une aubaine. « Heey honey, tu viens marcher avec moi ? » Tu te montres familière comme toujours, comme si le monde entier était ton ami, comme si les malheurs ne pouvaient arriver qu’aux autres. « Toi aussi tes copains t’ont laissés tout seul ? » Tu lui souris d’un air tendre, comme s’il était triste de se trouver là, comme s’il était dans le même délire que toi. Et comme pou sceller cet accord, tu lui attrapais doucement le bras pour l’entraîner avec toi.