y a cette rage qui l’étouffe, l’empêchant de respirer correctement. les larmes submergent le coin de ses yeux, alourdissant ses cils recouvert de mascara noir charbon sitôt qu’elle pénètre dans les coulisses. la porte tremble contre le chambranble alors qu’elle la pousse d’un coup sec, pour se retrouver dans cette si petite pièce miteuse avec ses affaires étalées un peu partout. elle est seule. enfin. dans ce silence assourdissant, abrutissant. ce bourdonnement qui résonne dans son esprit. d’un revers de la main, elle essuie les perles d’eau salées qui se font la malle sur ses joues. elle s’dit que c’est fini, que c’est trop. elle s’dit que c’est la dernière fois qu’elle passera la porte du club, qu’elle reverra ces hommes aux regards lubriques, qu’elle subira les propos plus que déplacés qu’elle a essuyé ce soir, les mains un peu trop baladeuses, les mains qui cherchent, qui tirent un peu trop fort, les mains qui lui brulent sa peau rougie. oui elle se dit que c’est fini. son palpitant rate un battement. elle se laisse tomber sur le canapé défoncé. et puis elle se calme, baia. elle tente de reprendre ses esprits comme elle le peut. parce qu’elle sait qu’elle n’aurait nul part où aller. baia, elle a trop peur de ce putain d’avenir. de ce qui l’attend. elle reste enchainée, au lieu de s’évader. elle se ferme des portes toute seule, parce qu’elle n’a plus vraiment envie de se battre pour ce qui la rend vivante. mais baia, elle veut pas se sentir fragile. elle se relève d’un bond, l’esprit engourdi par cette colère qu’elle tente tant bien que mal de laisser de côté un instant. elle enlève le noir imprimé autour de ses yeux, se rhabille hâtivement pour rejoindre son appartement le plus rapidement possible. loin d’ici. pas même un regard pour les autres danseuses qui elles, se contentent de la laisser partir sans un mot. elle sort de cet enfer, de son enfer, par l’entrée des artistes comme on l’appelle. ô douce ironie. les lumières des réverbères éclairent mal ce bout de rue, elle se croit seule baia. elle cherche son téléphone dans son sac quand elle sent que ça bouge dans l’ombre devant elle. elle se fige, tente de reconnaitre l’espace d’une seconde ce visage qui semble la fixer. et puis elle voit. elle voit qui il est. elle reconnait ce visage, présent au milieu des clients du club, ce soir. elle qui voudrait oublier. « qu’est-ce que vous me voulez? tout à l’heure ça ne vous a pas suffit? » un ton sec plein d’assurance qui dénote avec l’envie qui lui prend de s’enfuir en courant. mais ses orteils ne bougent pas même d’un seul millimètre. elle fait l’inventaire rapide des possibles armes qu’elle possèderait dans son sac. ou de ce qui pourrait s’en rapprocher et faire l’affaire en cas d’agression. sa soirée ne pourrait pas être plus merdique, tel était le mot.