plic-ploc,
la pluie s'écrase avec fracas sur le bitume,
elle fait écho au silence de mort.
j'dois avoir l'air de quoi, avec mes vêtements trempés,
mes cheveux gonflés, ma gueule de déterrée.
j'suis même sûre que je sens le chien mouillé.
ça fait des heures que j'attends,
une éternité.
j'ai vu le soleil lentement se coucher,
genoux rabattus contre ma poitrine inexistante.
mes bras enveloppent ce corps qui me dégoûte tant,
mon corps d'enfant qui tremble un peu,
dans le vain espoir de le réchauffer.

j'ai dis à personne que j'étais ici,
pas même à mon père, pas même à elle,
pas même au psy (surtout pas au psy)
j'pourrais me laisser crever là sur ce banc que personne ne s'en soucierait.
personne n'ira pleurer la cause d'une gosse qui n'en fait qu'à sa tête.
mina t'es conne,
t'écoutes jamais c'qu'on te dit.
frôler la mort une fois ça t'as pas suffit? t'as besoin de recommencer?
de voir si cette fois tu vas vraiment y passer?
tu veux faire ton intéressante?
t'en as assez fait mina arrête tes conneries,
prends tes pilules et fais pas chier.

mais si ils savaient,
si ils savaient ils comprendraient pas que je veux pas mal faire,
que j'ai besoin de toi pour y voir plus clair,
pour aller mieux.
j'en ai des tas, de questions à te poser,
si tu savais.
et puis,
avant que tu partes je veux que tu m'expliques comment tu t'y es pris,
comment t'as fait pour me rayer de ton existence,
que j'en prenne note.
et puis j'te laisserais tranquille,
je repartirais comme je suis venue,
avec une bonne grosse crève en prime,
et tu pourras continuer ta vie sans moi.
moi après, j'sais pas trop ce que je ferais mais,
au moins, j'aurais tourné la page, comme ils disent.
c'est aussi simple que ça, pas vrai?

alors j'ose espérer,
j'ose espérer que t'as pas rayé cet endroit de la carte,
que tu t'es pas mis à le fuir comme la peste parce qu'il te rappelle trop nous deux.
et je t'attends, droite et (presque) entière.
j'veux faire la grande, la responsable,
mais au fond j'ai juste craqué,
parce que j'ai même pas trouvé la force de te courir après.
mon âme gelée me laisse inerte,
prisonnière du froid et de ton souvenir.
et rien qu'en osant me dire et si ils avaient tort,
que d'un moment à l'autre ta silhouette puisse se dessiner dans le décor,
j'entends mon palpitant qui s'affole.
ça fait boum, boumboum, boum.
j'ai peur,
putain j'ai tellement peur.