un sourire satisfait, presque malsain se dessine sur son visage alors qu'il observe chaque homme, chaque garçon, chaque être assoiffé, frustré, rentrer dans le club. toutes des âmes dépravées, avec qu'une seule hâte, qu'une seule envie. se relaxer à leurs manières. vouloir toucher du bout des doigts deux ou trois parcelles de peau aux poils hérissés. glisser un billet dans le bout de tissu qui sert de sous-vêtements aux serveuses, aux putes. regarder des danseuses emportées se déhancher avec des mouvements salis par la vulgarité. mais c'est ça qu'ils aiment, c'est ça qu'il aime, mickey.
il se tient là, le dos contre le mur du bâtiment. près de l'entrée, affichant toujours cet air assuré de nouveau patron qui sait tout gérer, tout dominer. mike, ou cette tête encore inconnue dans le quartier. pourtant déjà majoritairement détesté. mike, celui qui fait mal, qui se fait mal aussi. celui qui faut pas trop concurrencer, parce que ça te fait bouillonner de peur à l'intérieur quand il se met à s’énerver. mais mike, ce soir, paisible, parce que tout marche, tout est là. dealers en tout genre qui viennent apporter une part de leur bénéfice au patron, clients satisfaits, chamboulés qui repartent en arborant une braguette qui a oubliée d'être remontée. la musique, cette musique, qui retentit, qui te bourre le crâne. rythme lourd et rapide obligeant les danseuses à se surpasser. et mickey. toujours avec un sourire, toujours adossé à l'entrée. il respire un grand coup l'air de la nuit qui colle ces sueurs froides dans le dos. légers frissons d'hiver avancés, qui ne tarde jamais à arriver.
c'est le plein milieu de la nuit. la rue se vide un peu, même si on peut encore entendre au loin des cris de bagarres déchaînées, des alarmes de bagnoles volées. alors il allume son énième cigarette, mike. son énième de la journée, le genre de clope un peu cabossée, qui vient de trop loin pour être déchiffrée. mais il s'en fou, il tire comme un fou, recrache la fumée sans réellement penser.
puis il tourne la tête un peu, pas trop. et il croise le regard de chiot abandonné de cette p'tite brune, là-bas. elle avance timidement, les épaules bien trop tendues pour qu'on puisse considérer une seconde le fait qu'elle puisse venir d'ici. la bouche entrouverte et une cascade infinie de boucles en bataille. ça fait sourire mickey. de manière spontanée. chose, qui ne lui arrive que rarement, de sourire comme ça, pour un petit rien. pour la fébrile chose qu'est cette jolie brune éclairée par le réverbère un peu trop délabré.
"il est tard, ma jolie, tu devrais pas traîner ici. t'attends quelqu'un ?" le brun prend pas la peine de finir sa clope qu'il l'écrase sans regarder sur le mur en brique. il garde ce sourire en coin, et ses yeux adoucis sur la petite. il est comme hypnotisé, il sait pas pourquoi, il le saura sans doute jamais. alors mick s'avance un peu, un pas après l'autre, pas trop rapidement. il se retrouve face à elle, mais pas trop près. pas trop pour ne pas l'effrayer. elle l'intrigue déjà, alors qu'elle n'a rien prononcé.

le lit tremble, mes yeux s'ouvrent rapidement et mon coeur qui tape fort dans ma poitrine. je le sens qui essaie de tout défoncer à l'intérieur. je glisse mes doigts entre mes cheveux alors que mes autres doigts essuient les larmes qui coulent sur mes joues. ce n'est qu'un cauchemar, je peux me calmer. l'alarme de mon téléphone s'arrête, laissant la chambre dans un silence complet. on peut entendre que mon souffle qui se calme doucement. c'est con de réagir si fort pour un truc qui n'existe pas. je peux pas dire à quoi je rêvais, c'était seulement effrayant. elle va m'attendre, elle va vouloir partir directement. ok, ça va. je suis revenue sur la planète terre, je peux partir. j'enfile un gros truc chaud avant de quitter l'appartement et courir après le bus. c'est le dernier. je peux pas le manquer, ça fait peur le noir pour marcher seule en pleine rue. c'est pas que je ne sais pas confiance aux autres, c'est seulement que tout peut arriver. les minutes passent, changer de quartier donne l'impression de passer d'un endroit endormi à un endroit où personne ne dort. quartier fantôme. déposant un pied sur le trottoir, je regarde le bus partir et me faufile doucement entre les rues. des personnes se parlent, se crient des sales trucs. de la musique continue de se faire entendre des clubs, des vitres de voiture qui se fracassent. je souhaite secrètement que personne ne veut jouer à où est nico-lou. je passe près d'une fille qui se fait aborder par un homme dans une voiture trop rouillée, de quatre types qui se frappent violemment dans une ruelle. je tourne les yeux pour ne pas les regarder plus puis je tombe sur un garçon qui est à l'extérieur du club de ma soeur. cigarette entre les lèvres, il semble attendre quelque chose ou quelqu'un. il  veut peut-être se calmer la tête. peut-être que l'intérieur de ce club est pire que l'extérieur. sa voix me frappe avec un avertissement, avec un sourire en coin. il est con un fantôme de ce quartier, qui ne dort jamais, qui ne cesse jamais de chercher quelque chose qu'il ne trouve jamais.

- je sais. je viens chercher quelqu'un.

c'est peut-être un homme qui touche ma soeur, qui lui file des billets. je préfère pas savoir. il s'avance d'un pas puis de plusieurs, mes yeux ne laissent pas les siens. même dans la nuit, je peux voir qu'ils sont bleus, ils brillent fort. je lui souris, ne remarquant pas son regard sur moi.

- vous attendez quelqu'un vous aussi ?

les yeux ébahis, ouverts de la brune fragile s'ouvrent en grand, se lève timidement pour se baisser aussitôt. elle est mignonne. aussi douce, aussi blanche qu'une colombe pas encore prête à s'envoler. elle semble fébrile, comme si qu'il suffit d'un seul coup de vent trop violent pour qu'elle vole en éclats, qu'elle s'éparpille de tous les côtés. elle a ses épaules un peu trop remontées, retenant toute la pression qui refuse de descendre. parce qu'elle est pas dans son élément, la jolie. c'est pas difficile à reconnaître. elle est beaucoup trop pure pour un endroit comme tel.
"je sais. je viens chercher quelqu'un." elle sourit un instant. tout en douceur, tout en légèreté. mickey n'y est pas habitué, il ne l'a jamais été. alors voir ce petit oiseau devant lui lui faisait découvrir une partie de son esprit qu'il pensait enterrée à jamais. une parcelle plus clémente, plus attentive. plus souple, plus joyeuse. ça l'intrigue. elle l'intrigue.
"vous attendez quelqu'un vous aussi ?" vous. il étouffe un rire léger, mickey. puis il sourit de nouveau, d'une esquisse plus enjouée, plus spontanée. elle est vraiment pas dans son élément. mais il aime ça, mike, les nouvelles âmes qui se perdent dans un quartier aussi dévorée par les trafics et les coups de drogués. "tu peux me tutoyer, tu sais." parce qu'il préfère qu'on le tutoie. il préfère qu'on le prenne pour quelqu'un d'assez familier pour s'octroyer un langage plus libéré. "j'voudrais surtout pas paraître malpoli. moi c'est mickey, j'suis le nouveau patron du club que tu vois à côté de toi." il tient à se présenter, à pas l'effrayer. chose qu'il ne fait jamais. mais rien que pour les beaux yeux de la brune et ses cheveux bouclés qui brillent, il tente. elle l'intéresse, et pour une fois, c'est pas parce qu'elle doit avoir de jolies fesses où une poitrine agréable dans laquelle se plonger. qui sait, elle peut lui réserver quelques surprises, la petite. "laisse-moi t'aider, ma jolie. t'attends une connaissance, d'la famille ?"

son rire vient faire frissonner mes oreilles, puis ma peau. il sonne agréable à mes oreilles, alors il ne doit pas être méchant, il ne doit pas ressembler aux garçons qui se battaient tout à l'heure. les gens qui rient de cette manière peuvent pas faire de mal à quelqu'un. je peux alors sentir mes épaules se décontracter, tout mon corps se relâcher. je ne pense pas une seule minute qu'il peut être un prédateur qui tente d'endormir les soupçons de sa proie, pour la prendre et en faire ce qu'il désire. personne ne le regarde, je peux même voir certains hommes l'éviter lorsqu'ils sortent de cet endroit. peut-être qu'il fait régner la peur chez les autres. alors pourquoi dans le mine, je ne ressens rien de tout ça ? peut-être qu'il vient de m'endormir. je suis une proie ? je ne me sens pas en danger. il est à quelques rues, à quelques mètres le danger, mais ça ne vient pas de mickey. mickey. c'est trop doux pour être son prénom. pourtant.

- bonsoir mickey. moi, c'est nico-lou.

le nouveau propriétaire. je laisse son regard pour lever mes yeux vers l'endroit en question. mickey. mike ? oh. ce mike. je peux sentir mes épaules se redresser de nouveau. un sentiment de méfiance s'empare de moi. depuis quand juges-tu quelqu'un de cette manière nico ? je ressens de la honte. non, ce n'est pas moi. j'ai presque l'envie de lui demander pardon.

- ama. ou peut-être que tu la connais sous son nom de scène, lys.

lys, elle est plus jolie que tout ça, plus que la noirceur, plus que sous le feu des projecteurs. une fleur doit grandir et vivre sous la lumière du soleil. je crois que je lui en emporte un peu avec moi lorsque je viens la chercher ici, c'est peut-être pour ça les regards. mes yeux tombent sur les grandes mains de mickey, je me demande si elles ont déjà touchées ama. je peux entendre des pas familiers, des talons qui claquent parfois sur le plancher de mon appartement, ce rire qui résonne si fort. ama. non. je vois lys disparaître à la main d'un homme dans une belle voiture.

- c'est elle ... tu dois être fier, elle est populaire.

je lui souris, mais ce n'est pas ce même sourire que tout à l'heure. peut-être parce que je ne comprends rien à tout ça, peut-être que je ne comprends pas le plaisir que mickey peut éprouver à faire fonctionner tout ça. peut-être que mike et mickey, ce n'est pas la même personne. comme ama et lys.

- je sais que ça va te paraître étrange comme question, mais je peux aider à faire le ménage ? j'ai pris le dernier bus, et je n'ai pas d'argent pour rentrer en taxi. alors, j'aimerais t'aider à faire quelque chose en attendant que ama, lys, revienne.

je ris, pour lui montrer que je suis sincère.

elle a ce teint frais et naïf. celui qui semble sourire à la moindre chose belle, qui positive. qui cherche, qui trouve la beauté partout et nulle part à la fois. mickey, il peut voir progressivement ses épaules d'abaisser, son sourire s'agrandir. c'est le genre de filles avec lesquelles mick préfère en finir vite. tirer son coup, prendre un bref plaisir et partir. mais pas elle. il ne comprend pas pourquoi. peut-être qu'elle est trop fragile pour être brisée si facilement. peut-être qu'elle paraît trop pure, trop douce, et qu'il serait dommage de gâcher ça. mais il s'en fou, mike, de briser les gens, normalement. de les détruire d'un claquement de doigt. de mener leur vies à néant, au vide complet, dans lequel on se noie à jamais. habitude qu'il ne fait qu'apprécier d'avantage, et qui pourtant ce soir, ne lui traverse pas l'esprit. nico-lou. un semblant de poésie. le genre de prénom qui n'a rien à faire ici. qui doit aspirer à un futur plus grand, à des occupations plus nobles. nico-lou. ça l'envoûte presque subitement. ça réchauffe l'intérieur, ça résonne dans la tête. ça lui arrive pas souvent, à mickey, d'avoir envie de retenir un prénom. ça lui arrive pas de penser à autre chose que le sexe quand il voit une fébrile âme passer devant lui. nico-lou. simple, joli.
elle est trop pensive, nico-lou. la pression la reprend un instant, mick peut voir son sourire s'atténuer un peu. elle attend lys. lys, jolie lys. qui séduit avec passion extérieure, dégoût intérieur. elle travaille bien, lys. puis il a voit, nico aussi. sortir du club, un client l'emportant dans une bagnole déglinguée. elle lâche un dernier regard à mickey, du genre qui espère son contentement. et à nico aussi, mais plus inquiet, cette fois.
"je sais que ça va te paraître étrange comme question, mais je peux aider à faire le ménage ? j'ai pris le dernier bus, et je n'ai pas d'argent pour rentrer en taxi. alors, j'aimerais t'aider à faire quelque chose en attendant que ama, lys, revienne." un nouveau sourire danse sur ses lèvres. puis elle rit un coup. elle est si jolie, la brune. ses boucles encadrent un visage de poupée aux traits fins et doux. il se met aussi à rire, mickey. parce qu'elle est si innocente, il n'a pas l'habitude de croiser ce genre de perle. "t'as pas à faire le ménage, nico. c'est pas ton rôle, t'en fais pas. j'ai de quoi t'aider, tiens." qu'il dit en lui tendant quelques billets chiffonnés. "à mon avis, lys ne devrait pas renter avant un bon bout de temps. j'le connais, ce type, il habite pas tout près. pis tu sais, j'ai pas vraiment envie que tu rentres à l'intérieur, c'est pas des gens nets qui traînent ici. j'voudrais surtout pas qu'on te fasse de mal. si tu veux, on peut s'éloigner un peu."