la musique bourdonne, la musique fait bouger les corps pendant que l'alcool remplit les verres, fait tourner les têtes. les corps des stripteaseuses font émerger les pensées salaces, les corps se déchainent, se mêlent. les bouches s'embrassent, les pupilles se dilatent. et au milieu tout ça, au milieu du bordel, y'a solveig. la jolie solveig, au corps dénudé. aux grands yeux qui masquent la peur, recouvert d'un voile séducteur, aguicheur. tout aussi faux que les gémissements des putes. des fois, elle se demande ce qu'elle fait là, solveig. des fois, elle oublie pourquoi elle doit coucher avec eux, pourquoi elle doit faire semblant d'aimer ça. elle hésite, regrette. mais elle s'dit, que ça va, ça vient. que c'est qu'une nuit de plus à passer. un pas de plus vers son rêve. ça va, ça vient. juste une nuit de plus. une dizaine d'heure et l'soleil se lèvera à nouveau, elle pourra reprendre sa vie, jusqu'à retomber dans les vices, le soir venu. c'était son quotidien, sa routine.
elle se rhabille à la hâte, solveig, comme toujours. parce qu'un loup, ça aime pas être dépendant, ça aime pas avoir besoin des autres pour survivre, ça aime personne, ça crache à la gueule du monde entier. ça s'fout des vivants, ça toise les morts. la brune, on sait jamais si on l'aime, ou si on a juste envie d'lui coller une tarte. parce qu'avec son regard félin et son air supérieur, on a juste envie lui enfoncer la tête dans l'bitume. mais elle, ça la fait marrer, ouais, ça la fait vachement rire. la sale gosse, la tapin, la louve. la sauvage, surtout. elle se tire, sans d'mander plus que ses billets, dépose la liasse avant de filer vers les douches. ça pulse dans ses veines, le désir de s'laver. de faire disparaître c'que l'autre a laissé sur son corps de gamine. elle sèche sa crinière brune, parce que dehors, ça caille et qu'elle a pas envie d'chopper un rhume. elle peut pas louper un jour d'boulot, elle en a trop besoin, de son fric.
puis enfin, la louve sort du club. legging noir qui moule ses grandes jambes, chemise de mec (appartenant sûrement à une ancienne conquête) et veste en jeans déglinguée. à peine sortie, clope au bec. qu'elle manque de faire tomber, lorsqu'elle relève les yeux et croise le regard azuré d'un beau brun. beau brun, pas totalement inconnu, loin d'là même. beau brun assez bien connu. harper. mais qu'est ce qu'il branle ici ? parce que merde, il serait pas en train de l'attendre, si ? nan, c'pas son genre, a harper. pas du tout. enfin, elle pense.
- qu'est c'que tu fous là p'tite bite ?c'est mal de mentir, solveig. parce que ce surnom, c'est juste un surnom, pas la réalité. parce que sol, elle peut pas s'empêcher de coucher avec tous ceux qui ont des beaux yeux et ce joli sourire de mauvais garçon. un sourire se dessine sur ses lèvres, sans savoir pourquoi, il arrive toujours a la faire sourire. c'est plus fort qu'elle. même s'il a rien dit elle déjà une phrase moqueuse sur le bout de la langue. du pur solveig.
" J'savais pas que tu bossais, ce soir, j'attendais... des potes. " elle bosse tous les jour, la brune, il le sait très bien. elle en est persuadée. il est pas con. il attend des potes, devant le club où elle bosse ? mouais, ça pu l'mytho son histoire. alors son sourire, à la louve, il s'agrandit. elle s'approche de lui, cigarette éteinte à ses lèvres rouge sang. son regard océan le fixe, le regarde, avidement. ouais, il est beau harper, avec son sourire au coin des lèvres, ses yeux qui veulent dire beaucoup. elle trouve ça marrant, qu'il soit ici, que se soit juste une coïncidence. parce que justement ça sonne trop beau pour être une coïncidence. il attend des potes, mais elle ose penser que c'est elle qu'il attend. c'est égoïste, très égoïste comme pensée, mais elle peut pas s'empêcher d'y penser.
" ...Tu comptais rentrer chez toi? "il jette un coup d'oeil à sa montre, solveig sait que c'est déjà le milieu de la nuit, qu'elle ferait bien d'aller ce coucher, de recharger ses batteries. mais elle a pas envie, elle veut rire, elle veut oublier, boire un peu, aussi. alors elle est surprise, solveig, de sa question. son sourire fend son visage, moqueur, sarcastique.
- nan, j'vais aller boire au bar du coin... on aurait pu passer une soirée ensemble mais faudrait pas que tu loupe tes potes... quelle garce, cette solveig. elle est tout proche de lui, elle sent l'odeur de sa cigarette, sent son parfum, elle se laisse enivrer, quelques secondes seulement. elle appuie son bras sur son épaule, lui lance un regard en coin, croise ses beaux yeux. les cristaux d'la louve, ils sont rieurs, moqueurs. ils disent
cherche pas, tu mens trop mal. cherche pas, j't'ai percé à jour, cherche pas j't'ai cramé. elle aime bien l'énerver, être méchante sans vraiment l'être, elle aime bien se foutre de sa gueule. parce que solveig, elle est comme ça, elle aime bien foutre la terre entière en rogne. quelle sale gosse. elle s'éloigne, laisse son index glisser sur sa joue, doucement. elle est pas du genre a faire ce genre d'geste, un peu mignon, un peu affectueux aussi. la brune laisse donc courir le bout de ses doigts sur sa joue en se reculant tout doucement. elle se demande c'qu'il va faire, s'il va la rattraper ou rester contre sa voiture. elle souhaite secrètement, qu'il lui attrape le bras alors qu'elle s'en va, sourire aux lèvres, moqueuse. qu'il lui dise,
attend-moi, reste là.
mais elle s'en va, vraiment. recule lentement. baisse un peu la tête pour allumer sa clope. tire doucement. se perd dans un nuage de fumée grise. elle est souriante, elle est belle. elle est provocatrice, elle est moqueuse, surtout. mais elle voudrait juste, qu'il soit venu pour elle, ce soir. elle l’espère, elle laisse cette pensée voguer dans son cœur, et solveig, elle sourit de plus belle.
Emi Burton