Et la plupart des matinées s'ressemblent chez les Stanko. C'est toujours ravagé, zone de conflit, avec les aînés déployés en casques bleus ( y'en a, on se demande leur utilité ? Mycha, par exemple). La p'tite qui fait la coquette dans la salle de bain des heures durant pour avoir l'air d'avoir bouffé un vanity case – ça pète les couilles. Se faire bousculer à la sortie d'sa chambre par l'frangin qui tire une tronche d'zombie et qui n'a l'air humain qu'à partir du moment où il s'est enfilé deux tasses de café et dégommé la moitié des tartines préparées par la reine mère ( sur un élan qu'personne n'pige tellement c'est pas son genre et dont personne se plaint, quand même) . Ça aboie comme jour de foire, toujours dans les oreilles d'Mycha, les inconvénients d'être considéré comme une des pierres angulaires d'la casa ( il cherche encore les avantages et autant dire qu'il a plus d'chances de tomber sur le st graal). Il débarque dans la cuisine remonté comme un coucou, ouai, l'expression est aussi pourrie qu'son humeur. Il joue des coudes pour atteindre la cafétière et s'verser un bol. Il y plongera sûrement la tartine qu'il est sur le point d'chourer à Branko – cette sale victime - : « La prochaine fois qu'tu t'enfermes dans l'chiottes pour t'lustrer l'merguez d'bon matin comme ça... » tartine change de proprio et avant que le ninja puisse récupérer son bien, Mycha en prend un croc, léchant soigneusement l'côté, au passage. Un sourire sur les lèvres – autant pour avoir réussi son coup que pour ce qu'il s'apprête à cracher : « j'appelle le pape ». Il est certainement le seul à apprécier toute la subtilité d'la blague. Heureusement que maman Stanko est bien trop occupée à allumer princesse-robe-de-pute pour laisser traîner ses oreilles. «La prochaine fois que tu menaces ton p'tit frère » l'index accusateur flanqué de rouge qu'elle lui agite sous le nez ressemble à s'y méprendre à une griffe de tyrannosaure (quelque part durant son parcours scolaire succint, il a réussi à obtenir un doctorat en dinosaures, voyez). Il déglutit, c'est lui ou cette tartine a un arrière goût d'hémoglobine ? « Quant à toi » - ça va barder, les regards qu'ils se lancent en disent long, long genre kilométrique. Branko-branleur fait moins le malin. Ché. Et c'est là, à ce moment précis, qu'la mama elle enchaîne en croate, pour le côté dramatique ( et carrément plus flippant) : « La prochaine fois qu'tu t'branles, j'te fais nettoyer  la cuvette avec la langue et bouffer les kilos d'mouchoire que tu fous en l'air ». Elle a pas tort, si au moins il les payait, les kleenex.  C'est l'église qui condamne  mais maman Stanko qu'on écoute comme des dévots. « Snow » souffle Mycha qui se tourne vers sa cadette, tapotant sa joue histoire qu'elle vienne lui claquer une bise, bien baveuse grandement appréciée. « On s'arrache dans quinze putains d'minutes ». « Mycha, surveille ton langage, putain » - les paroles du padre Stanko ont toujours quelque chose de très perspicace et contradictoire. « On va passer un week-end d'malade putain ! ». « Mycha ! ». Il se redresse sur sa chaise. Vingt quatre ans, un âge approximatif. Devant papa et maman, ils ont toujours huit ans. « Allez j'la refais : on va passer un week-end de malade , youpi ! ». Mais son regard, lui, hurle « putain » en y mettant les meilleures inflexions. Cinquante minutes plus tard ( parce que toutes les montres sont cassées chez les Stanko et parce que ponctualité savent pas vraiment c'que c'est), Mycha se retrouve à s'acharner sur le klaxon essayant de réunir la meute. « Princesse ! » Bordel, sont irrécupérables. « Branko n'oublie surtout pas d'ramener ta teub ». Ils ont dit à papa et maman qu'ils allaient chez un pote, à vingt kilomètres. Ils vont surtout rouler jusqu'à Seattle en essayant de se trouver un coin bien crasseux où faire pleins d'petites besognes.