ce soir, mona, elle n'en peut plus. trop de paroles en l'air, trop de tensions, trop de contraintes. merde, elle veut juste s'enfuir, l'espace d'une nuit. elle applique du rouge à lèvres maladroitement à la lumière des néons éblouissants, elle enfile sa plus belle robe et elle s'échappe par la cage d'escaliers de secours. ce soir, mona, elle est comme une adolescente. elle prend une dernière inspiration avant d'enjamber la fenêtre avec ses talons trop hauts. ce soir, la nuit l'envie et la lune rougit de jalousie. elle arpente les rues, un peu perdue, les petites fleurs comme elle on en voit peu à cette heure-ci. les néons saturés l'attirent vers le no5 orange et rapidement, trop rapidement, elle s'y engouffre. mona, elle ne veut pas briller, elle veut seulement se fondre dans la masse. elle veut seulement faire comme les autres. comme les grands. comme les grands, elle se répète en recevant un premier cocktail. l'alcool, elle n'y a jamais touché, ah ça non, jamais, promis mary chérie. elle ne le boira pas de toute façon, elle est un peu trop coincée, un peu trop bancale, et puis elle se dit que c'est comme ça qu'il faut faire : disparaître dans la masse, s'asseoir au bar et commander une boisson, jouer avec une paille dedans puis aller se déhancher au rythme de la musique jusqu'à ce que les pétales du jour naissent dans le ciel, traversé par quelques rayons de soleil. mais c'est un peu trop d'un coup pour elle, mona, la petite mona. peut-être qu'elle devrait rentrer. il est tard. ses soeurs vont s'inquiéter. son frère va s'énerver. qu'est-ce qu'elle fout ici ? elle devrait rentrer, retourner dans sa petite vie, retourner dans son petit lit. tout ça, ça n'arrive que dans les rêves. elle s'apprête à partir sans rien dire, peut-être que ce sera malpoli, mais bon, c'est quand même le soir de toutes les folies. mais elle est coupée net dans son élan quand elle entend une voix familière. pas lui, pitié, pas lui.