les paillettes stellaires se noient doucement dans le bleu infini. des tâches de rose et de vert viennent naître sur le visage céleste de la nuit. et mona, la petite mona, arpente les rues encore endormies de downtown eastside. il est trop tard pour voir une gamine comme elle dans un quartier aussi mal-famé, il est trop tôt. ses talons claquent sur le sol et remplissent l'air d'un bruit sourd, régulier. elle est maquillée mona, un peu trop d'ailleurs, avec du mascara qui coule et du rouge à lèvres qui embrasse sa peau lactée. son cou est délicatement parsemé de tâches pourpres, les derniers souvenirs d'une nuit où elle est tombée amoureuse, tellement de fois, trop de fois, avec trop de silhouettes qui se bousculent sous les draps blancs. d'ailleurs, mona, elle ne se ressemble pas. entre minuit et cinq heures, comme une créature fantastique, elle se transforme. il n'y a plus de mona gamine avec ses joues roses et ses hautes chaussettes. il n'y a plus de mona timide avec sa voix murmurée et son regard perdu. elle devient ruby, mauve ou lola, avec ses courbes accentuées et ses robes de satin qui enlacent ses épaules frêles. elle devient un fantôme, qui erre dans les chambres d'hôtel et qui embrasse avec la langue pour quelques billets en plus. mais il est cinq heures trois et mona est tout simplement mona. mona qui pose sa main sur la poignée de porte. mona qui marche sur la pointe des pieds entre les matelas entassés. mona qui compte sur la lune et la nuit pour une fois de plus garder son secret. mona qui sursaute quand une voix transperce le silence de la nuit.

elle est un peu perdue mona. un peu déboussolée. elle se sent pris au piège, avec son regard de faon devant les feux d'une voiture, et tout arrive trop vite, trop violemment, trop brutalement. un deux trois, mary est dans ses bras. elle l'enlace, tellement fort que mona se sent toute petite, minuscule, une petite étoile perdue dans la nuit qui meurt. elle a envie de fondre en sanglots, mona. non, ce n'est pas ce que tu  crois, non, ce n'est pas moi, mary, mary chérie, tu ne comprendrais pas. alors elle se laisse tomber dans ses bras, elle est épuisée la petite mona, à trop aimer tous ces monsieurs. les mots résonnent dans son crâne, mais elle ne les écoute plus. la voix chaude, parfois brûlante de mary est une berceuse qui apaise. quand sa soeur la libère enfin, mona a l'impression de tomber dans un trou noir infini. qu'est-ce qu'elle ferait sans sa mary chérie ? elle fuie son regard, noyée dans les lettres qui déferlent de sa bouche pour venir se bousculer dans sa tête. elle balbutie, des murmures sans fin. elle aimerait lui crier "pitié, aide-moi", mais elle ne peut pas, elle se terre dans son silence qui l'étouffe . "tu n'es pas trop fâchée ?" bien sûr que si, mona, elle est folle de rage. regarde, peut-être même que la prochaine fois, elle t'abandonnera. ce serait plus simple comme ça, mona, non ? regarde comme c'est de ta faute. tu vois comment tu traites ceux qui t'aiment ? ses joues rosées sont déjà noyées dans de grosses larmes, constellations de tristesse sur son visage de gamine. "oui... oui je vais bien..." pourquoi est-ce que tu t'infliges ça, mona ? tu sais bien que tu es trop faible pour lui mentir.