Adossé à un mur, Saul inspirait l'air frais de la nuit à longues goulées. Le froid ravivait son esprit embrumé par la THC. Le rythme de ses inspirations calmait son coeur qui vibrait au crachat des enceintes. L'oxygène purgeait l'éthanol de ses veines. Il se sentait mieux.
Il ajusta son vieux perfecto. Quelle idée de merde d'être venu ici. Rectification : quelle bêtise d'avoir suivi les idées de merde de Karl.
Karl était un ami du quartier, un vrai gars, un bonhomme pur et dur. Saul s'était bagarré plus d'une fois à ses côtés. Quand Karl est venu lui rendre visite dans la grande ville, Saul ne pouvait pas refuser. « On va où tu veux », qu'il lui dit. Deux heures après, le voilà dans ce qu'on pourrait appeler « un bar de charme ».
Il abhorrait la prostitution et ses dérivés. C'était le capitalisme aliénant à son apothéose. La marchandisation de la chair. Les femmes obligées de mettre en vente leurs charmes pour le plaisir lascif du possédant. Il maudissait Wim Kok pour ça et pesta dans l'ombre contre Karl qui l'avait amené là. Ce n'était pas le quartier rouge, mais ça y ressemblait à ses yeux.
Plutôt que de contempler le spectacle déshumanisant des corps contre les barres d'acier, Saul se mura dans l'ivresse. Il s'abreuva, s'enivra, s'imbiba. Ne répondant plus aux réflexions beaufs de Karl que par des grognements. La musique bien trop forte et les cris de ses pairs eurent raison du voile dans lequel il avait emmitouflé sa conscience. Il devait sortir de cet enfer pavé de néons glauques.
Le silence, le froid, l'air pur. Il se sentait mieux. Tandis qu'il ruminait, une femme le rejoignit dans la ruelle. Elle alluma sa clope, ne semblant pas l'avoir vu. Finalement, cette soirée n'était peut être pas vouée à l'échec. Toujours
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] dans l'ombre, il mit une cigarette à ses lèvres. D'un coup sec il fit claquer son zippo, embrasant le tabac et révélant son visage à la lueur de la flamme.
«
Salut »
Il lui sourit, souffla la fumée de sa cigarette et laissa le silence s'installer. Calcul de charmeur pour laisser une tension envoûtante ? Rien de tout cela. Il n'avait tout simplement pas réfléchi à ce qu'il allait lui dire avant de l'aborder. Son cerveau carburait en vain à l'alcool: "Eh merde,merde, merde, je dis quoi maintenant?".