SUGARY DRINKS AND PASTRIES + Gusaac

Accoudé au comptoir, tu observes la pluie tomber d'un air morose. Ton shift n'est pas encore terminé que tu appréhendes déjà le retour. C'est une fin d'après midi des plus calmes pour le café dont les tables ne sont occupées que par quelques courageux ayant eu l'audace de braver la flotte pour venir étudier. Tu les regardes de loin, en reconnaissant la majorité. Il y a cette fille probablement plus jeune que ta sœur, installée toujours à la même place, les yeux rivés sur son écran d'ordinateur. Une véritable habituée dont tu commences même à connaître la commande par cœur. Un peu plus loin un groupe d'étudiants surlignant des bouquins, des gobelets de café vides s'entassant à leurs côtés. Et puis il y a Gus. Gus qui dessine, l'air appliqué. Gus qui est là presque tous les jours, fidèle à son spot et reste jusqu'à la fermeture. Vous en profitez pour discuter et il t'aide même souvent à ranger. Tu l'aimes bien Gus. T'apprécies sa sensibilité, sa conversation, ça te change de la plupart des gens qui t'adressent généralement la parole.
Au fil du temps les gens se lèvent et disparaissent derrière leurs parapluies et kways. Tu les regardes partir et commences à ranger ce que tu peux. Tu passes un coup de chiffon sur les tables et le comptoir, replace dans la réserve les packs de cafés et cacao. Bientôt il ne reste que Gus et ses carnets. Tu partages le reste de café laissé dans une des cafetières en deux tasses et en dépose un devant lui. « T'as eu du courage de venir malgré la pluie. J'serais jamais sorti de chez moi si j'avais pu! »

**Invité** Invité

Pluie diluvienne.
T’es bien content d’être là, assis à ta table. Oui, ta table. Parce que, depuis que t’étais arrivé là. Tu t’étais assis là. A chaque fois. Pour un thé, un café. Carnet à dessin devant ton nez. Pour penser. Pour oublier. Mais, aujourd’hui, c’était surtout pour fuir. Fuir la pluie. Fuir la rue. Parce que tu l’étais à la rue. Là, planquer sous la table, détrempé, se trouvait ton sac. Seul et unique souvenir du passé.

Ton sac.
Dans lequel tenait toute ta vie. S’en était presque risible d’y penser. Toi qui avais toujours cru que t’avais des milliers de choses. Que t’avais TOUT. Tu te retrouvais avec juste un sac. Suffisant pour prendre ce que tu possédais de réellement précieux oui. C’était finalement pas plus mal. Pour te remettre au point. Pour faire cette aventure de fin. Tu te sentais tellement mieux. Tellement libre. Mais aussi, et surtout, tellement mieux. Que quand l’alcool coulait de trop. Que quand la drogue volait de trop. Oué, tu te sentais bien. Mais, frigorifié aujourd’hui. La pluie tombant en masse dehors ne t’aidant pas.

« T'as eu du courage de venir malgré la pluie. J'serais jamais sorti de chez moi si j'avais pu! » Visage qui se lève, tu le fixes. Un maigre sourire sur tes lèvres. C’est que t’avais pas vraiment eu le choix. Tu savais pas trop, si fallait le dire ou pas. Enfin bon, ce n’était pas bien grave, y en avait d’autre des hôtels. N’est-ce pas ? « Oh, c’est que j’ai dû rendre ma chambre d’hôtel. Alors, fallait bien que j’aille quelque part. » Sourire, encore. Pour que tout aille bien. Oué. Que tout aille bien.

Tu déchires minutieusement un sachet de sucre et en renverse le contenu dans ton café. Tu regardes la montagne de cristaux s'enfoncer dans le liquide noir, couler, disparaître et touilles avec ta cuillère, des spirales sombres et petites bulles dorées se formant à la surface à chaque tours.
Gus sourit avec cette faiblesse des gens fatigués, scrapés par la vie. « Oh, c’est que j’ai dû rendre ma chambre d’hôtel. Alors, fallait bien que j’aille quelque part. » Tu t'avachis un peu plus sur ta chaise et ébouriffes tes cheveux d'une main. Chambre d'hôtel. T'avais toujours assumé que Gus vivait comme toi dans un appartement de merde. Après tout vous n'aviez jamais réellement été aussi loin dans vos discussions. Vous étiez toujours restés en surface, évitant vos passés respectifs. Puis c'est vrai que les conditions n'avaient jamais réellement été propices aux confidences. Tu te demandes ce qui lui est arrivé dans la vie, qu'est-ce qui l'a amené ici.

Dehors le déluge ne cesse pas.

Tu avales une gorgée de café. Plus tôt tu appréhendais le chemin du retour mais tu n'as désormais qu'une chose en tête. Une seule angoisse. Sa nuit à lui. Le froid, la pluie détrempant ses vêtements et cahiers. Tu frissonnes rien que d'y penser. Et ce soir? La question te brûle les lèvres même si tu devines aisément la réponse. « T'as quelque part où crécher pour ce soir? » Tu demandes quand même. On sait jamais. « Ca a pas l'air de s'améliorer dehors. J'vis pas trop loin. C'est pas le luxe mon appart mais j'ai un canap'... » Tu viens poser ta main sur ta nuque. « Puis j'ai une bouteille de whisky qui traîne. Si tu veux me raconter.»

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