FORGIVE ME FATHER FOR I HAVE SINNED.

creuse un peu, sora, t'as pas les mains assez sales. creuse un peu, princesse, faudrait pas que tu fasses dans la délicatesse.

toi t'es plus une locomotive qu'un camion, t'as toujours été sur les rails. t'as toujours suivi the motion. t'étais quelqu'un bien comme il faut, y'a pas si longtemps. tu riais, tu mangeais, t'aimais un peu mais jamais trop fort. tu avais des chouettes amis, une chouette famille, des chouettes études. tu faisais dans le beau, dans le bien, dans le réchauffé et pré-mâché.
puis tu t'es découverte un amour terrible pour les courbes délicates et les murmures doux à ton oreille, la voix suave des demoiselles comme le pire poison dans tes veines. t'aurais dû te douter que sang chaud + coming out, ça allait faire des étincelles.
t'as vu le cocktail molotov un peu trop tard, t'as entendu la mine seulement une fois le pied dessus.

maintenant regarde tes doigts, regarde le sang qu'il y a. la tête de la gosse contre le mur. boum, boum, boum. la litanie infernale qui résonne aux oreilles comme la plus délicate des chansons. le monstre qui hurle un bon coup, qui explose contre tes côtes, qui se fraie un chemin dans ta poitrine, qui déchire ta cage thoracique et menace de sortir. ta colère personnifiée, là, entre tes seins, prête à s'échapper dès que tes coups arrêteront de tomber comme la pluie d'été.
victorieuse, tu te sens, victorieuse. tu sais pas encore que tu vas écoper deux ans, que tu vas crever la dalle et te crever le coeur. tu sens juste ses os qui se brisent contre tes doigts, son avenir de model dans la paume de tes mains et tu l'exploses, la poupée, tu l'exploses contre le mur en béton. et tu aimes ça, t'en aimes chaque seconde avec la passion du désespéré, avec la folie du condamné. t'oublies que papa et maman se sont cassés, t'en oublies que tout commence à déborder, que tu commences à sombrer. tu oublies le bien, le beau, le sublime.
y'a rien de mieux, tu comprends, que le liquide précieux entre tes doigts, parce que putain, ce que ça te soulage. tu la haïssais, cette garce. et tu devrais t'en vouloir, tu devines, alors que le corps tombe inanimé sur le sol et que tes yeux affolés se posent sur les silhouettes qui t'éloignent d'elle. ils te disent, mais ça va pas bien, tu dérapes? oh, sora, tu fous quoi?

t'as jamais été désolée, pas une seconde.
peut-être que t'aurais dû l'être.

on te dit, t'as mal tourné enfant. c'est pas faux. le virage était trop pointu et t'as pas assez appuyé la pédale. normale que tu sois dans les ronces, que tu sois dans le fossé maintenant, toujours dans la merde sora.
on te dit, t'as dérapé enfant. tu leur réponds que non, les croûtes sur ses doigts, c'est les coups portés à rhea. tu leur dis, puis tu leur hurles, puis ils secouent la tête dépitée et s'en vont.
alors t'as les doigts qui démangent de tout exploser. elke et eden qui te regardent, inquiets. et eden qui te susurre, c'que t'es en colère, sora, t'es sûre que ça va?
tu ne craches pas sur ta famille, alors t'hausses juste les épaules.

tu l'as dans la peau, tu l'as dans la tête, ton agressivité. tu la bouffes au petit déjeuner quand le paquet de céréales ne veut pas s'ouvrir, tu la rencontres dans le miroir quand tu t'aperçois que c'est ta tête, là, juste devant toi. y'a pas que les autres que tu hais, non, y'a aussi toi, y'a ton minois.
des fois, tu frappes les autres trop fort pour effacer toutes celles où t'as pas pu.
d'autres, tu frappes les autres si fort que t'en oublies à qui tu en veux vraiment.
et tu te fais jamais prendre, maintenant, t'enchaînes les conneries mais y'a plus personne qui en a rien à foutre. on tourne la tête parce que c'est un déchet, la sora.

ta némésis est foutrement en colère,
et tant qu'elle le sera, enfant, tu ne te reprendras jamais en main.