C'est l'froid qui glace l'pays d'Vancouver. C'est les jours qui passent, qui amplifient les mœurs. Tout d'vient routine. C'est l'même trajet chaque matin, chaque soir ; les mêmes potes ; les mêmes bars ; le même job ;  les mêmes insomnies ; la même vie. C'est l'circuit qui s'répète, le tunnel dont on n'verra jamais la fin, le temps qui passe. Elle supporte pas la routine, Sky, mais elle s'oblige ; elle n'aura jamais l'mal du pays.
Comme toujours, elle a besoin d'sa dose de caféïne matinale. Comme toujours, elle s'rend au costa du coin, les mains dans les poches d'sa veste abîmée. Comme toujours, elle rentre dans l'café le sourire aux lèvres et demande son frappé caramel. Comme toujours, elle ressort avec le même sourire en criant "à demain". C'est l'seul truc qu'elle aime faire et répéter jour après jour. Rentrer, voir ces gens heureux, annoncer une bonne journée, puis r'partir. Ca vaut pas plus, ni moins, c'est con mais ça fait du bien.
Routine cassée. Brisée.
Deux corps qui s'cognent dedans, par la précipitation du début de journée. L'café renversé, Sky mouillée, les grognements qui s'font entendre. - Putain ! Qui est assez con pour pas r'garder où il marche ? Qui est assez con pour foncer dans quelqu'un, comme ça ? Qui ?
C'est lui. Il est là. Juste devant elle. A quelques centimètres. Les battements d'son coeur qui s'accélèrent, qui cognent de plus en plus vite, de plus en plus fort. Le visage pâle et glacé de la blonde s'ébouillone tout à coup, un coup de chaud maladif. C'est l'incompréhension, la surprise, la haine, puis à la fois l'bonheur et l'amour. C'est un mélange de sensations, c'est l'coeur qui bouillone, qui n'sait pas s'il doit s'sentir bien ou vraiment mal. Qu'est-ce-qu'il fout là, Cal ? En deux ans, il s'est jamais repointé et là il fallait qu'il la cogne ; devant l'entrée d'un putain d'café ? De quel droit il s'permet de revenir dans sa vie ? Mais surtout, de quel droit s'est-il permis d'en partir ?
Le regard fuyant, la tête baissée, Walker s'abaisse pour ramasser le café tombé sur l'bitume. Le temps d'ces quelques secondes passées au sol, elle prie pour qu'il dégage, loin, comme s'il n'était jamais réapparu. Puis quand elle s'relève, il est encore là. Parce qu'au fond, il le s'ra toujours. Alors elle trouve enfin l'courage de l'regarder dans les yeux, et ça lui fait plus de mal qu'autre chose. Elle sent les larmes qui montent, la haine qui sort et les souvenirs qui reviennent, aussi. Elle reste figée, le regard dur mais Cal qui la connait bien devinera la sensibilité et la tristesse qu'elle tente de cacher. C'est dur putain, d'revoir l'passé refaire surface.

vancouver, ville monochrome, routine gelée au sein de cette fraîcheur ambiante qui glace le sang, qui ronge la peau. les ruelles canadiennes s'éveillent à leur rythme, les jeunes ne se remettront sûrement jamais de ces nuits fauves qui ont teintées leurs veines tout au long de la nuit jusqu'au lever du soleil. le january blues touche le coeur de cal bien trop tôt, tant pis, il apprendra à être heureux un peu plus tard. il s'rendait au costa dans l'espoir de croiser baia, assise, seule à une table, en train de songer à la merveilleuse nuit d'hier qu'elle a passé au côté du brun métissé. il l'imaginait, adossée contre une fenêtre, guettant sûrement son arrivée, les yeux-océan rempli des étoiles du ciel nocturne, sous lequel ils se tenaient la main comme des enfants, un risible amour s'emparant de leur cœur battant à l'unisson. des rêves plein la tête, des conneries plein le coeur surtout, cal s'apprête à franchir l'entrée du costa, remuant sa tête dans tous les sens afin de guetter la présence de baia, ou d'cette serveuse plutôt mignonne qui lui a servi son macchiato samedi dernier si la chance ne se décide pas à lui sourire.
et soudain, y'a comme deux corps qui se brisent l'un pour l'autre
les sentiments en melting-pot en bord d'aile.
cette voix accompagnant ces injures, ce vrombissement de cordes vocales qui retentit dans ses oreilles.
putain, c'était le cas d'le dire.
il voyait baia, sa main dans la sienne, les étoiles de ses yeux, et d'un coup, un haut le coeur vient étrangler ses sens pour ne laisser que l'image de sky et lui coeur contre corps, lèvres contre lèvres,
les sentiments en bordel.
les traits fins et si bien dessinés de sky se figent à la manière des ruelles de vancouver, on n'saura jamais si c'est à cause du froid ou à cause des conneries de cal, sa fuite, sa lâcheté sans pareil. il l'observe se baisser ramasser son verre, et y'a tout leur passé à eux deux qui semblent couler sur ses deux paumes impuissantes depuis le début de cet événement, refusant décidément de bouger. fuir, encore, ou l'aider à ramasser son café, peut-être renouer aussi. même s'il était capable de faire un choix, le corps de cal finit paralysé sur le bitume. il se contente juste de la regarder faire, se mouvoir dans le décor, comme autrefois. sans un mot. puis elle relève la tête, ose planter son regard qui a l'effet d'une lame dans ses yeux et son coeur. putain qu'elle est belle. y'a comme une cascade qui refuse de couler au bord de ses yeux, l'estomac de cal se tord. j's.... j'suis désolé, j't'ai pas fait mal ? t'es trempée. toujours plus stupide comme réplique. de t'façon, il n'a jamais été un garçon très intelligent, ce maladroit du coeur. si cette scène se déroulait deux ans plus tôt, il l'aurait prise dans ses bras, avant de l'emmener chez lui pour qu'elle puisse se changer et se laver en toute tranquilité. mais là. là. putain t'es vraiment con d'avoir tout niqué comme ça cal. ça fait longtemps. t'as pas changé depuis deux ans. il se sent con. il sait pas quoi dire. il essaie d'parler, de meubler, faire la conversation, en sachant bien qu'il y a 99,99% de chance que walker lui jette le peu de café qui lui reste à la gueule avant de le frapper si fort que tout c'qu'il reste de bien en lui s'évaporerait. il contracte ses muscles sous la pression du moment, faible et impuissant, dominé par ses peurs.

Et dans c'décor glacé, y'a son coeur tout ébouillanté. Il crie vouloir se délivrer, s'agenouiller puis se tuer. C'est la décomposition, c'est tout son corps qui tombe à terre. C'est vulgaire, c'est qu'un seul parmi des milliers. Pourtant, il avait l'air de compter autrefois, pour Cal. Ce Cal, qui l'a lâchement abandonné. Qui a laissé derrière lui une Sky souillée. Comme à poil devant le monde, comme seule sur terre.
Aujourd'hui, y'a encore les cicatrices de gravées sur son âme. Celles qui hurlent la souffrance qui lui a été infligé, le mal qui lui a été fait. C'est fou comme c'était tout. Lui, le band, eux ensemble, la vie heureuse. C'était un putain d'rêve éveillé, il avait pas l'droit d'lui offrir autant d'semblants. Il a commis le crime d'sa désillusion. C'est une poupée abîmée, maintenant. Usée de tout.
Heureusement, y'a les pilules magiques, les dragées qui ensorcellent. Mais putain, avant c'était Cal son magicien, l'plus puissant des remèdes contre la vie ! Il s'est cassé, sans lui prescrire une cure aussi efficace. Il s'est cassé, en l'oubliant.
C'est plus un fantôme, Sky. C'est peut-être le choc de leurs corps, qui leur en a fait prendre conscience. Elle l'a aimé, mais maintenant plus jamais. Elle ravale ses larmes, il ne la f'ra pas tomber une seconde fois.
- Si tu m'as fais mal ? Il fallait peut-être t'en préoccuper avant, non ? Mais quel con, avec sa tête de con là. Elle lui en foutrait bien une, en même temps qu'elle lui sauterait dessus. Il sait pas à quel point il a compté, il sait pas pour elle c'qu'il est. C'est Cal.
C'est plus fort qu'elle, ses yeux s'perdent sur lui. Ils dévalent son corps, ils retracent finement les traits d'son visage qu'elle repassait avant d'ses caresses, ils se souviennent. Pourtant, y'a tout cette haine qui s'arrache du corps de la poupée. Cette haine qui rappelle toujours à Sky à quel point c'n'est qu'un minable. - Pourquoi t'es parti, Cal ? Pourquoi tu m'as laissée ? C'est des mots bruts qui brûlent les lèvres, des questions qu'elle s'est posée trop de fois. Puis aujourd'hui, devant ce café, face à lui, elle a enfin le courage de les assumer.