houna était tourmentée par sa nouvelle vie à vancouver. pas un jour ne passait sans que des questions viennent la brusquer, et la consumer à petit feu, à la même manière que la déflagration bouffant la cigarette qu'elle tenait éternellement en bord de doigt. une latte, puis deux, les magnifiques volutes de fumée s'envolent et se perdent dans l'immense parc publique dans lequel houna cherchait à rejoindre sam, baia et lies pour sortir en ville, ou se perdre dans la nuit comme à leur habitude. elle était à sa place ici, dans les rues bitumées de vancouver. c'est certain. tous les pauvres gosses de la ville la regardent avec envie, avec mépris, avec dégoût, avec adoration. son rêve de vie urbaine coulaient sur ses paumes fragiles aux phalanges niquées, mais se laissaient filer entre ses doigts par les remords enfouis quelque part profond dans ses tripes.
ce soir, houna ira encore danser au club, se déchaîner sur les dancefloor, se faire mettre la main au cul par un vieillard, et lui sourire d'un air satisfait qu'elle est bien trop merveilleuse pour les rejetons de la société dans son genre. mais houna, tu n'vaux pas plus que les pervers aux yeux brillants sur les pistes de danse, là où les carcasses déchaînées et adolescentes se déhanchent, tu n'vaux pas plus que la fumée qui s'évaporent de ta roulée.
elle s'apprêtait à sortir son portable de son sac michael kors, glissant sur la fausse fourrure de son manteau hivernal. ses mains tremblaient, fragiles, impuissantes, hier encore elle a oublié de manger qu'elle dit. ses muscles sont faibles, et luttent contre la fraîcheur de la saison froide. mais il y avait cette silhouette, à une dizaine de mètres, qui semblait se figer sur elle-même. ses yeux roulèrent jusqu'au visage de cette ombre bien trop attirante pour appartenir à un simple inconnu, et ses traits se crispèrent au rythme de sa cigarette qui se décomposait au fil des secondes et lui brûlait le bout des doigts.
elle savait, c'était l'évidence.
et son corps d'oiseau sans ailes manque de s'écrouler lorsque son nom glisse d'entre ses lèvres à lui. elle serre les poings, plante ses pieds sur le sol terreux. ses sentiments qu'elle croyait avoir enfoui dans sa maudite campagne, ses sentiments qu'elle a envie de dégueuler sur l'herbe tellement ça lui pèse sur le coeur depuis ces trois mois. shawn, shawn, shawn, shawn. soudain, elle a l'impression d'être cette simple adolescente apprenant à vivre à travers cette caméra, gloussant comme une petite fille devant son écran tandis que shawn lui sortait ses pires vannes du siècle. il était le seul putain, sa faiblesse, celui qu'elle s'efforçait d'oublier depuis bien trop de temps maintenant. bien trop de temps que leur chemin se sont séparés surtout. ça fait longtemps, t'as l'air d'aller bien, c'est cool. impassible, la barrière entre les larmes et ses yeux est bien trop grande pour laisser transparaître n'importe lequel des sentiments tourmentant le coeur de houna. elle n'ose plus avancer. son parfum, son aura prend déjà bien trop d'espace dans l'air, un pas de plus, et elle cède, bang bang d'un battement de cil. j'avais oublié que t'habitais dans le coin. j'ai emménagé y'a trois mois, j'sais pas si tu savais. putain mais barre-toi houna. pourquoi t'es comme ça, pourquoi tu fais la gentille, celle qui s'en fout, alors que ton coeur pèse plus lourd que n'importe quelle montagne aussi haute soit-elle. avec n'importe qui d'autre, elle aurait serré les crocs, elle aurait bombé le torse, fière et impassible, laissant voir ses fines formes et son rouge carmin maquillant ses lèvres. mais shawn, il est différent, il a cet emprise que personne n'a - à part mick. elle priait pour qu'il parte, qu'il l'évite, qu'il s'en aille à l'autre bout du monde afin que jamais plus leur regard se croise encore. et pourtant, même si cinq ou six mètres séparaient leurs carcasses tourmentées, leurs doigts étaient si proches. encore un pas, et leurs mains pourraient s'enlacer, comme autrefois.

à présent, tout semblait insupportable aux yeux d'houna. tous les détails de ce magnifique tableau d'après-midi ensoleillé, tâché par l'immondice qui lui servait de dépôtoir à sentiments à quelques mètres de son coeur fébrile. cette immondice qui portait le nom de shawn, couleur bleu pétrole, couleur des hématomes qu'il a laissé sur ses jambes fragiles et ses bras d'enfant en la faisant succomber au vice de l'amour, à la couleur de ses sentiments à présent, monochrome. des tas de souvenirs s'agglutinaient dans son oesophage, elle avait cette sensation nauséeuse qui l'étranglait, les souvenirs c'est ce genre de trucs que tu peux jamais dégueuler tellement ils prennent de la place dans ta vie et ton coeur, tellement ils prennent de l'importance sans demander quoique ce soit. shawn, pourquoi t'es là, pourquoi tu restes, cette posture froide et impassible ne te va tellement pas. houna, au fond d'elle, elle espérait qu'il y ait une sorte de masque, de filtre devant shawn, derrière lequel se cacherait des sentiments toujours brûlants, toujours présents, des envies de caresses et de tendresse. elle espère, elle a toujours fait ça, elle a des tas d'opportunités de vivre, mais les gâche toujours à coup de talons aiguilles aussi aiguisés que ses ongles soigneusement vernis, aussi aiguisés que la voix de shawn, semblant transpercer le coeur de la blonde à chaque syllabe. le silence se fait extrêmement pesant sur leurs épaules encore adolescentes, les mots manquent, parce que tout ce qu'elle a envie de dire, révéler, dégueuler à shawn, ne serait que le fruit de ses caprices, de ses désirs les plus profonds, tout est vain à présent qu'elle a tout détruit. elle plante son regard dans les deux verres de ses lunettes de soleil. ses yeux lui manquent putain. sa voix qui tremblait légèrement au rythme des accords enchaînés sur le manche de la guitare, la façon qu'il avait d'lui dire qu'elle était belle, qu'elle devait manger un peu plus, sa façon de serrer sa cigarette entre ses deux doigts comme s'il y avait un monde fragile entre ses phalanges. puis il tire une latte. le coeur d'houna manque un battement, l'envie d'étreindre son torse contre son coeur à elle se faisait aussi pesante que le silence. les deux sources de chaleur se rapprochent, telles des aimants en manque l'un de l'autre, on n'saura jamais si c'est leurs coeurs qui hurlent aussi fort, où si c'est le monde qui tourne trop vite autour d'eux. une question fait trembler l'échine de houna, tandis que shawn enlève enfin ses lunettes.
bordel, il est tellement beau comme ça.
non, je vis avec quelqu'un. froide, impassible, elle aussi faisait en sorte de laisser un filtre autour d'elle, même si ses sentiments brûlaient sa gorge, son aura était aussi froide que les plus hautes montagnes du monde. j'vis avec... avec sam, baia, lies bien sûr. mais ...mon nouveau mec. il s'appelle mickey. mensonge n°1. elle ne voyait même pas l'utilité à mentir. mais elle voulait le voir jaloux, voir ses joues rougir de rage parce qu'il veut l'avoir rien que pour lui à nouveau. elle veut tester ses faiblesses et son sang-froid, le pousser à bout, l'embrasser, l'étreindre, l'aimer à en mourir etc etc. c'est pour vivre avec lui que j'ai déménagé à vancouver. on s'est rencontrés sur internet aussi. multiples mensonges, n°2. shawn, nous aussi on s'est rencontrés sur internet. nous aussi, on s'est aimés à en crever, à s'en déchirer mutuellement la tête, le corps, les sentiments. pourtant, on sait tous comment ça a fini, j'n'ai jamais déménagé pour vivre à tes côtés, j'n'ai jamais tout quitté pour recommencer ma vie avec toi. réagis. hurle, rage, crie. je t'aime putain. et toi ? comment tu vas ? elle serre les poings, elle forge son armure. elle sait qu'elle va avoir le coeur brisé dans tous les cas. premier cas, shawn a "aussi" refait sa vie avec une magnifique mannequin suédoise blonde platine, seins en plastique assortis à son cul. soit il va mentir aussi. et houna, elle ne saura jamais déceler la vérité du mensonge. prise à son propre jeu.