la pièce qui disparaît, les doigts qui s'agitent. il s'amuse, solal. tout seul.
avec son nouveau tour. il sourit. il réussit. elle glisse dans sa main, la monnaie, illusion de toute beauté.
c'est tout petit, comme tour. tout mignon. ça impressionne personne. surement pas le gros gars, là devant. un double de jackie, le genre qui pète et qui rote quand solal lui demande un peu d'attention. "ma bière monroe" qu'il lui répond.
the bourbon. tous pareils, ici.
ennuyeux. vieux. bourrins. pourris.
pitié pour eux qu'il a solal. il sourit quand même. il lui donne sa bière. il le lance, le torchon. finit son après midi. enfin.
partir. loin.
au passage il lui pique son porte monnaie, au gros qui pète et qui rote. et quand il sort la cancéreuse déjà aux lèvres, il compte les billets. il jette les cartes d'identité, les trucs sans intérêt. il sème, derrière lui. solal, voleur et petit poucet.
l'autre s'en rendra surement pas compte avant une heure bien avancée de la nuit.
il rit, monroe. tout seul, tout fier qu'il est. maigre butin. il s'attendait pas à mieux, cela dit. c'est son tour, qui le fait rire. après une pièce qui disparaît voilà le porte monnaie. il s'améliore.
mais le rire il s'arrête vite quand on est seul. drôle un moment, pas longtemps.
et solal il pense directement à mona. qu'est-ce qu'elle fait. qui elle voit. est-ce qu'elle le veut bien, lui. il veut lui montrer c'qu'il a réussit à faire. et voir son beau sourire quand il lui montre. surtout son beau sourire.
t'es où mona.
pas besoin de réflexion, la plage. mona elle y est souvent, à lire, à penser. il sait pas trop bien. quand il la cherche c'est toujours là qu'il la trouve.
et elle est bien là. c'est de loin, qu'il l'observe. à tourner les pages de son livre. avec attention. il écrase sa cigarette au sol. il en reprend une. la troisième. doucement, faut pas s'intoxiquer trop vite, solal. rien à branler, assurément.
il s'avance vers elle. les pieds qui battent le sable.
et le gamin il s'assoit à côté d'elle. comme si de rien.
il la fixe, aussi. en tirant une taffe. c'est pas sa faute, la fumée qu'elle prend.
"salut mona."
il sourit.
"j'me suis fait quinze balles aujourd'hui, et j'ai un nouveau tour. et toi?"
il lui raconte sa journée. surement qu'elle s'en fout, mais il aime bien. au moins il a quelqu'un à qui le faire. quelqu'un qu'est pas un monroe. quelqu'un qu'attend rien, de lui. douce et jolie mona.

c'est tout doux, le bruit de l'eau. le sable chaud, les odeurs de mer. qui s'effacent, derrière la fumée âcre de solal. derrière le son de la voix de mona qui lui répond. derrière son joli sourire à elle, la belle.
il rit, de son air gêné quand elle lui raconte. solal il l'est jamais, gêné. rarement, peut-être.
et puis il comprend pas, elle était peut-être jolie, la nana. et douce. et gentille, comme mona. mona elle aime pas les filles, c'est surtout ça. comment on peut ne pas aimer les filles, solal il se demande.
"tu peux m'le passer, son numéro, si t'en veux pas."
faut jamais laisser filer une occasion. même si elle aime les nanas, solal aussi, il les aime. premier point commun.
nouveau tour. il hausse les sourcils. il écrase sa cancéreuse, dans le sable. doucement, pour la faire crever comme elle le fait avec lui. lenteur.
il sourit. c'est pour ça qu'il l'aime, la jolie. parce qu'elle claque des mains pour un tour, parce qu'elle rit pour sa magie. la seule, à peu de choses près.
"s'tu veux." désinvolte, solal magicien. désinvolture faussée, comme ses tours. il fouille sa poche sort, sa pièce. la fait glisser entre ses doigts, encore et encore. vite, parce qu'il faut que ce soit rapide, pour que ce soit parfait. c'est ridicule, comme nouveauté. et soudain il la fait disparaître. il ouvre grand les mains devant mona, sans la monnaie. oh bien sûr elle est planquée ailleurs. jolie illusion. poétique, presque.
il la retrouve derrière l'oreille de la o'leary, comme si elle était là, depuis toujours, à l'attendre. le coin de ses lèvres s'élargit.
"c'est l'genre de truc que les autres apprennent en premier, j'suis un peu en retard."
les autres, les grands magiciens qu'on voit à la télé. les apprentis qui vont réussir. mais lui, l'autodidacte. il a que ses doigts habiles et son esprit décalé, pour apprendre. pour savoir dans quel sens le faire. il tend la pièce à mona. comme un beau cadeau qui n'en est pas un. avec un sourire.
c'est juste un pièce et un sourire.
"bon, tu m'racontes alors, elle était comme cette nana?"
comme d'habitude solal il change de sujet sans préambule. sans prévenir. déroutant. chiant, peut-être. compliqué à suivre. c'est qu'il aime pas s'embourber dans des transitions de trois heures, le monroe.

c'est la seule qui le regarde avec ces yeux là, quand il fait ça. ses tours idiots, ses idioties infinis. traité d'irréel et d'illuminé. lui, solal. gamin rêveur qui l'entraîne, jolie mona. les tours les plus simples, les meilleurs. à croire qu'elle y arriverait presque, à rassurer. il sait, qu'elle connaît le truc. comme n'importe qui qui se montrerait assez intéressé. mais c'est pas grave. elle sourit. lui aussi.
"merci. la prochaine fois, j'tenterais autre chose. plus gros, encore. plus fort."
faut espérer. toujours les espérances d'y arriver. arriver à quoi. pourquoi faire tout ça. solal il se demande souvent. à quoi ça sert, au final. tout le monde lui dit. que c'est qu'une merde de ce monde. que ça le sauvera pas, la magie. qu'il est pas dans une histoire, pas dans un film qui sauve délaissé, les oubliés.
mais c'est pas grave.
tant pis.
puis vient le numéro. oh douce mona draguée par une fille. gênée et embarrassé. solal qui veut tout savoir, comme d'habitude. une fille et une autre. une fille et mona.
"au moins tu sais que si tu te lasses des garçons, t'as une autre option."
il se met à rire. pas qu'il ne voit pas mona avec une autre, comme elle. mais si. il ne voit pas. mona qui regarde les garçons comme ça, avec ses grands yeux.
" et au moins, tu te fais pas draguer par une moche."
moche, beau, relativité qui ne l'a jamais vraiment intéressé, le garçon. il dit ça pour rire, elle le sait surement. solal qui s'inquiète pas de ces choses là.
il lui faut réfléchir, pour répondre à sa question. draguer par un mec. il se demande, s'il accepterait.
"non, jamais. enfin je crois. apparemment je vois pas trop, quand quelqu'un me drague ou pas."
c'est sa sœur qui lui dit tout le temps. qu'il est toujours ailleurs, jamais là ou il faut. qu'il a toujours l'esprit qui vagabonde et qui comprend pas ce qu'on lui veut. pas quand ça le concerne, lui. naïveté handicapante. solal aux sentiments handicapés. qui veut surement jamais trop voir, non plus.