Tu l’avais trouvé.
Tu ne sais comment. Peut-être au détour d’une rue. D’un café. Dans un caniveau ou sur un banc. Mais, tu l’avais trouvé. Ce garçon à la peau un peu trop blanche. Ce garçon qui fait sauter ton cœur. Boum boum. Tu sais pas encore. Ce qu’il se passe. Mais, tu t’en fou. Oui fou. Parce que tu sais. Que la vie arrive à son bout. Alors, faut que tu profites. Fort, très. Pour n’avoir aucun regret. Pour pouvoir sourire. Là, sur ton lit de mort.

Alors.
Tu l’avais attrapé. Abordé. Comme un dingue. Comme l’artiste que t’étais redevenu. Ton sac sur le dos. Une barbe de quelques jours sur tes joues. T’avais juste sourit. Tu l’avais juste fixé. Oué. Pour lui demander. De le croquer. Oui, tu voulais tellement. Le croquer. Là, sur la feuille. Là, dans ton regard. Il avait tout. Tout ce qu’il fallait. Pour faire cesser de battre. Ton cœur. Pour pouvoir t’envoyer dans les étoiles. Etoiles.

Donc, tu l’avais invité.
Et vous étiez là. Dans cette chambre d’hôtel pas si parfaite pour l’ambiance. Un peu bizarre pour inviter, en quelque sorte, un inconnu. Mais, il avait dit oui. Alors, tu l’avais fait s’asseoir sur un fauteuil. Le seul. Et t’avais juste souris. Et, tu t’étais assis un peu plus loin. Fusain à la main, carnet sur les genoux. Tu le fixes. Si fort. Trop. Tu cherches comment, l’aborder. Comment, le croquer. Pour qu’il soit aussi beau qu’en vrai. Vrai. Et puis, idée folle. Folle artiste.

« Est-ce que tu…ça te gênerais de baisser un peu ton t-shirt, sur ton épaule. » Si large sur les épaules fines. Tu veux voir la peau. T-shirt qui glisse sur une épaule. T’as le souffle qui se coupe. Et, tu te demandes instant dans quoi tu t’es embarqué. Parce que t’es pas sûr de vouloir seulement le dessiner, croquer. Croquer. Tu souris. Et, le fusain fait le premier trait.

Regard brûlant sur son corps.
Regard bouillant qui détaille.
Fort. Trop.

Tu ne parles pas beaucoup,
Ou alors,
Tu parles trop.
Quand il faut raconter des histoires, sécher des pleurs, faire vivre les étoiles, tu parles trop.
Quand il faut écouter les vies, être attentifs aux malheurs, embrasser les corps, tu ne parles pas beaucoup.
Tu danses avec la lune
Tu l'as vue dans son regard, la première fois.
Gus.
Le nom qui roule sous la langue avant de mourir dans un murmure. Gus. La peau ébène et le sourire timide, Gus. Il est beau. Beaucoup. Il a le charme des jours où il fait gris, mais où l'on veut sortir, courir dans les avenues et tant pis si la pluie surprend.
Tu t'es laissé entraîner dans cette chambre d'hôtel. Tu t'es laissé faire parce que, tu ne dis jamais non.
Parce que, fascination.
Gus A l'or et les étoiles au bout de ses doigts, t'en es sûr.
Tu baisses ton haut comme il l'a demandé. Prenant une pose presque lascive avec un petit sourire amusé.
Gus
Il aura une vie courte, mais belle,
tu t'en fais la promesse, Rien qu'en le voyant.

"Quand tu dessines, tes yeux brillent. C'est beau."

T’as le souffle qui s’arrête.
Le cœur qui s’emballe alors que tu fixes la peau qui se dévoile. Mon Dieu. Dans quoi tu t’es embarqué. Mon Dieu. Tu ne survivras pas. T’as l’envie de le dévêtir entièrement. L’envie de le dessiner nu. Allongé, aussi lascivement et sensuellement qu’il peut le faire assis sur un fauteuil. Mon Dieu. Il serait si beau. Tu retiens de justesse le halètement qui manque de traverser tes lèvres alors que ton fusain manque de tomber, trait maudit sur la feuille. Tu fais comme si. Il n’y a rien. Tu tournes juste la page et passe ta langue sur tes lèvres.

Tu l’as trouvé.
Tu ne sais comment. Mais, tu ne veux pas le lâcher. Ça non. Parce qu’il a tout. Tout pour ton regard d’homme. Tout pour ton regard d’artiste. Le fusain recommence. Les yeux le mangent. Le dévorent de toute part alors que ça y est. Tu es parti. Envolé dans l’art. T’as les yeux qui brillent, pétillent. Les yeux qui le croquent comme jamais. Si beau. Tu ne comprends pas. Comment c’est possible. Possible.

Fixe.
Ça fait quelque secondes que le fusain ne bouge plus. Ton regard fixé sur son visage, lèvres qui parlent. Tu sais pas quoi dire. Parce qu’en plus d’être beau, t’as l’impression qu’il a tout. Tout. L’esprit. Le corps. Un sourire. Parfois, t’aimerais bien te voir aussi, dessiné. Pour comprendre ce qu’il vient de te dire. Comprendre comment lui peut te voir. Les yeux vacillent, se ferment et s’ouvrent à nouveau. « Toi, tu es beau tout le temps. »

Il est beau.
Ton cerveau tourne à toute allure, mais ton corps bouge à peine. Tu n'oses même pas respirer, à peine sourire, t'as peur de le déconcentrer. Derrière le verre de ses lunettes, les yeux de Gus brillent fort, ils te regardent, te dévorent. Tu sais que c'est la vision d'un artiste, de celui qui regarderait un modèle humain ou non de la même manière, mais ton petit cœur d'artichaut bat, bat fort, et s'envole. Tu te sens beau.
Et il est beau.

Les mains plus noires que sa peau.
Tes yeux osent un peu voyager, voguer sur ses traits quand il baisse les siens sur la feuille. Sa mâchoire carrée, son front un peu plissé, de concentration, d'autre chose ?
La fenêtre est entrouverte, le vent de la fin du printemps contre ton épaule nue, tu frissonnes un peu mais pas parce que t'as froid. Simplement parce que tu l'as regardé trop longtemps. Comme on fixerait le soleil pendant une éclipse avant de se dire qu'on aurait pu se cramer les yeux.
Tu détournes le regard.
Tu souris.
Et il est toujours beau.
Et il répond.
Et indubitablement, tes joues prennent la teinte du géranium au mois d'avril. Une vraie poupée fard à joues. Tu devrais avoir honte, Ari. Mais t'es simplement flatté. Parce que ça fait du bien, d'être beau. Parce qu'on te le dit souvent, qu'on te le murmure au creux de l'oreille. Mais là, rien n'est pareil. Lui, il a l'air un peu perdu. Ton sourire s'étend.

« Tu as fini ? Je peux voir ? »

Tu sautes de ton fauteuil en étirant les bras avant de te frotter les yeux comme un enfant, laissant remonter le bas de ton pull trop petit. Et lui, il n'a pas bougé. Peut être que tu aurais du rester à ta place, oh non, peut être que tu as tout gâché ? Alors tu poses tes mains sur ta bouche comme un gamin qui vient d'être pris en flagrante bêtise. Tu ne voulais pas le détacher de son travail.

« J'étais trop impatient, c'est ça ? »

Beau. Tu te demandes même si ce n’est pas un mot trop petit pour le définir. Lui. Beau. Oui, il l’est. Mais, qu’est-ce que la beauté. Tu n’en sais vraiment rien. Mais, ça te prend là, dans le ventre. Ça te prend là. Dans le cœur, jusque l’âme. Oui, Ariel est beau. Encore plus. Lorsque tu vois le rouge apparaitre. Fou. Foutu. T’arriveras pas à le regarder comme un artiste. Juste ça. Non, t’arriveras pas. Parce que déjà. Tu le regardes autrement.

Muse. Petite sirène égarée, assise là à poser. T’arrives pas à croire que tu l’ai trouvé. Muse. Un sourire sur tes lèvres et t’essaies de continuer. Oui. Le dessin. Tu le fixes. Grimace. Ce n’est pas ça. Non. Ce n’est pas comme cela que tu le veux. Pas comme cela que tu voulais le capter, le croquer. Oh, il est beau. Oui, surement. Tu n’es pas très objectif. Non. Mais, il manque quelque chose. Il manque. Ton regard s’égare sur l’épaule nue. Sur la brise qui joue avec les cheveux de sa nuque. Cœur qui s’arrête.

Cœur qui s’arrête. Chaleur qui s’entête. Là dans ton ventre trop serré. T’as peur. Un peu. Beaucoup. Sourire et sursaut. Que fait-il ?! Où va-t-il ?! T’as peur. Peur qu’il fuit. Peur qu’il est ai marre. Mais, tu l’entends. Mais, tu sursautes à nouveau alors qu’il te fait face. Debout. Corps un peu trop fin, peut-être, sous le pull lâche. Mais. T’as envie…envie de le voir là, allongé. Les cheveux emmêlé, le corps alanguit. Les yeux brillants de sommeil. Ou…d’autre chose. Boum boum. T’es foutu. Fou.

Rire puissant qui s’engage dans ta gorge, tes poumons. Si grave, lourd et puissant. Tu ris. Peut-être comme jamais tu l’as fait. Depuis que tu sais. Sais que tu vas t’envoler. Mais, ça fait tellement du bien. Tes yeux pétillants toujours fixés sur son visage. Il ressemble à un enfant égaré, les deux mains sur sa bouche. Mon Dieu, qu’il est beau. Tu lâches le fusain et tends la main, tes doigts effleurant sa joue. Tes doigts s’enroulant autour de son poignet. Ce n’est pas grave. Grave. Ton ventre se crispe, ton cœur se précipite. Tu as chaud. « Ce n’est rien. Tu peux regarder. Mais… » T’es yeux l’abandonnent quelques secondes et fixent le croquis. « Ce n’est pas…ce n’est pas ça… » Que tu murmures. Oui, ce n’est pas ça. Pas comme ça que tu voudrais le voir. Le dessiner.

Le croquer.

Son rire explose et résonne comme un milliers d'étoiles au fond de ton ventre. C'est la première fois que tu l'entends rire, tu crois. Gus ne rit pas beaucoup, pas comme toi, le grand enfant, lui, il a plutôt la mélancolie des jours trop longs. Ça ne te dérange pas, ça te fascine même. Mais ça fait chaud au cœur quand tu sais qu'il rit. À cause de toi ? Grâce à toi.
Et puis, sa main s'enroule sur ton poignet, ses doigts frôlent ta joue. Milliers d'étoiles vite remplacées par des milliards d'autres plus belles.
Et dans ses yeux, des supernovas.
Alors tu souris,
et tu regardes.
Les traits sont fins, sont beaux. Tu ne te reconnais presque pas. Tu ne te vois pas comme ça. Le souffle se coupe et les yeux s'ouvrent.

« Mais si, c'est... Tu me vois vraiment plus beau que je le suis. »

tu lèves la tête, enfant mirage fasciné par la promesse d'une oasis.
Tu tends la main, timide, qui vole, qui frôle sa joue, sa barbe naissante.
Petites étoiles au coin des yeux.
Ça te touche tellement, tu pourrais presque pleurer.

« Merci... »

Non. Non, tu ne le vois pas plus beau. Oh non. Mais, ça te fait plaisir. Qu’il aime. Ça te fait plaisir qu’il trouve le dessin beau. Pourtant, toi, tu ne le trouves pas si bien que ça. Pleins de défauts. Il n’est pas comme tu l’avais imaginé. Modeste Ariel. Il est bien plus que ça. Oui, t’en es certain. Ariel, il est le soleil, cette étoile qui brille le plus. Qui brûle et éblouit. Ariel, soleil. Un sourire sur tes lèvres. Tu es quand même content. Parce qu’il est là avec toi. Parce qu’il a accepté. Alors, c’est déjà beaucoup. C’est déjà, presque, assez.

Les yeux qui s’ouvrent grands. Le cœur qui loupe un battement et la main sur ta joue. Et les doigts doux qui s’y glissent. Caresse aérienne. Tu manques de t’étouffer. Tu manques de crier. Alors que tu le fixes si fort. Si fort. Boum Boum. C’est pas possible tout ça. Tu penses rêver. Tu penses pleurer. Parce que c’était pas prévu. Non. C’était pas prévu sur ta route de fin. De rencontrer un garçon comme ça. Sourire. Et tes doigts s’enroulent autour de son poignet, cherchent à attraper les siens. Alors que tu continues de le fixer. Le dévorer.

« Ce n’est rien. » Rien, car, ce croquis n’est pas ce que tu voulais. Rien parce que tu pourrais faire tellement plus avec lui. Plus grand, plus beau. Peinture. Oui. Peinture. Tu le tires doucement à toi. Tu veux pas chercher à comprendre. Tu veux pas chercher à réfléchir. Instinct. Tu le tires juste vers toi et, ta deuxième main se glisse dans sa nuque. Tu sais pas ce que tu fais Gus. Non, tu sais pas. T’as envie de… Tu fermes les yeux. Visages presque l’un contre l’autre. T’as le souffle brûlant et les étoiles pleins le ventre, le cœur.

Tu rouvres les yeux. Tu le fixes violemment. Et tes mains remontent dans la nuque, dans ses cheveux. Ébouriffent. Des mains qui le tiennent sans le tenir. Peut-être pour être sûr qu’il ne fuit pas. Qu’il ne te fuit pas. Tu t’es perdu. Surement un peu. Souffle incertain. « Tu. » Ton visage s’approche, ton nez s’y glisse là, dans son cou. Vers son oreille. Tu sais plus ce que tu fais. Puis, tu recules et le dévores des yeux. Trop fort. Trop chaud. Murmure qui s’égare. « Tu poserais nu ? »

Tu pensais pas. Entendre oui. Parce qu’Ariel, tu le connais pas tant que ça. Inconnu, connu. Oui, mais, le mot glisse et frôle l’air. Le mot vient dans ton cœur, ton âme. Boum boum. Tu l’imagines. Gus. Si beau alanguit dans le lit. Tu l’imagines, si sensuel. Oui, tu l’imagines tellement que t’en a la chair de poule. Ariel, petite sirène. Il est beau. Tellement. Doucement, t’es encore tout prêt de lui. Doucement, tu refermes les yeux. Sourire à tes lèvres. T’as envie de rire. De remercier. De l’avoir rencontrer. De l’avoir approché. Parce que sinon, y aurait eu un manque. Parce que sinon, ta morne existante n’aurait pas connu cette lumière incandescente qu’était Ariel. Muse.

Ta main descend le long de sa nuque, ton nez toujours plongé dans son cou avant de te redresser un peu. Pas trop. Toujours si prêt. Intimes. Tu lui souris. Et la main glisse. Et ton cœur palpite. Et ton ventre s’anime. Elle glisse là, sur son épaule si fine, poussant l’étoffe de tissu. Pour commencer à voir la peau. Pour commencer à vouloir le dévêtir. Oui, le dévêtir. Mais, normalement, le modèle se déshabille seul, Gus. Oui, seul. Pourtant, t’as pas envie. De te décaler, pas envie de t’éloigner mais, il faut. Il le faut.

Alors, la main s’égare encore un peu. Un peu râpeuse sur la peau lisse. Pour finalement, s’éloigner. Pour finalement t’éloigner. Juste assez pour lui laisser la place. Assez pour détourner le regard. Rougir. Mais, y a ta peau chocolat qui cache la rougeur. Tu la bénis parfois. Oui. « Tu…tu peux t’allonger sur le lit une fois…nu. »

Et tu ne regardes pas. Et tu te redresses en le laissant faire. Fébriles. T’as presque l’impression d’être à un rendez-vous. D’être dans un de ces instants si importants. Trop. Mais, n’est-ce pas le cas ? Peut-être si. Parce qu’Ariel. Ariel. Un son, et tu te retournes. Te figes. Le calepin tombe au sol avec le fusain. Boum Boum. T’as la respiration coupée, le cœur en folie.

Si beau. Un pas. Un second. Et, ta main glisse. Là, le long du corps alanguit. Tu trembles. Si beau. Chaleur puissante, brulante. Tu suffoques, sursautes. Et ta main se retire. Comme si tu t’étais brulés. Comme si t’avais touché le diable, le soleil. Si beau. T’en a la chair de poule. « C’est… » Raclement de gorge. Un pas en arrière et tu ramasses ton matériel. « C’est parfait. » Trop. Trop. Gus. T’es en train de devenir fou. Gus tu perds la tête. Le cœur.