partie libre
Le roseau plie mais ne rompt pas.
Le roseau, c'est son père, sa mère. Mais sûrement pas elle. Combien de fois elle s'est cassée en deux, gamine, quand on lui renvoyait en pleine face le dégoût que provoquait la vision de son être ?
Dodue. Grasse. Vache.
Des multiples adjectifs et synonymes pour l'appeler autrement que par son prénom, surtout pour lui rapperler sa condition qui d'après leurs dires ne mérite aucune considération. Evi n'avait pas ce répondant qui la caractérise aujourd'hui. Elle manquait d'assurance, incapable de lever les yeux quand on la fixait trop longtemps. Un pauvre malheureux gibier nouveau-né pris dans les phares d'une voiture en pleine nuit noire; Un Bambi revisité en quelque sorte.
Mais la vilaine enveloppe a fini par tomber, pour laisser éclore un joli papillon aux couleurs flamboyantes. Evi a grandi, maigiri. Elle est de celles que l'on regarde dans la rue, jusqu'à ce qu'elle quitte notre champ de vision, celle qui fait tourner des têtes littéralement sur son passage. Son minois d'ange lui ouvrirait certainement plus de portes, si de ses lèvres n'en sortaient pas autant d'insanités.
Celle qui parait si accessible et irréelle à la fois. Une Mère Teresa 2.0, qui aime son prochain plus que tout. Elle a trouvé sa vocation : la musique, et l'humanitaire. Elle a fui loin de cet Occident pourri il y a deux ans de cela, pour retrouver la richesse humaine comme elle l'appelle. Vous savez, les sourires qui n'ont pas de prix. Comme une thérapie, un retour à l'essentiel, loin de cette vie marquée par la futilité au fer rouge. Elle a relativisé, elle l'a rencontré. Francesco. Son prince charmant, ce brillant étudiant italien qui lui a fait perdre pied.
Malgré le brusque retour au quotidien, l'installation de la distance, lui au bout du monde à cotoyer les moins lottis et elle ébranlée par le luxe si bien que ça en tourne à la bêtise; ils ont survécu. Peut-être parce qu'il est le seul à la comprendre, à partager ses valeurs. Peut-être parce que c'est aussi plus facile de se contenter de lui.
Le retour dans la spirale du vice ne se fera sans remous.